Cannes : une exposition très controversée présentée au public
2 Septembre 2015
Cette page a été créée en 2015 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.
L’œuvre photographique controversée du photographe britannique Jimmy Nelson ‘Before they Pass away’ (Avant qu’ils ne disparaissent) sera exposée à l’Opium gallery de Cannes le 3 septembre. L’inauguration, prévue le 22 juillet dernier, avait finalement été annulée. Les précédentes expositions avaient déjà fait l’objet de critiques véhémentes de la part de nombreux représentants indigènes et de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme dont Survival International, le mouvement mondial pour les droits des peuples indigènes.
Selon Nelson, son œuvre aurait pour vocation de ‘montrer l’authenticité de peuples sur le point de disparaître’. Cette affirmation, faisant abstraction de tout contexte social, politique ou historique, ne fait aucune mention de la violence à laquelle certaines tribus sont soumises par les sociétés industrialisées. Or les menaces pesant sur eux ne sont pas une fatalité, mais la conséquence des exactions de gouvernements, d’entreprises et d’individus qui spolient leurs terres et leurs ressources et exploitent leur force de travail.
Ces peuples ne sont pas les survivants d’une culture appartenant au passé, figée depuis des millénaires. Les peuples indigènes et leurs cultures sont bien vivants et plus complexes que ce que nous percevons à travers ces mises en scène. Ces dernières n’ont que peu de rapport avec la façon dont vivent ces peuples aujourd’hui ni même avec celle dont ils ont vécu par le passé.
Dans sa description de la tribu mursi d’Ethiopie, par exemple, Nelson ne fait aucune mention de son éviction forcée, ni des agressions et des disparitions dont ses membres font l’objet. Aucune mention n’est faite non plus de l’extermination de quelques cent mille Papous depuis l’impitoyable occupation de la Papouasie par l’Indonésie. Pour Nelson, les tribus ‘disparaissent’ inévitablement, tout simplement.
Dans une lettre, Survival International (France) a fait part à l’Opiom Gallery des réactions des représentants indigènes suite à la publication de ces photographies et l’a alertée sur l’image erronée et préjudiciable qu’elles véhiculent.
Nixiwaka Yawanawá, un Indien de l’Etat d’Acre au Brésil, avait manifesté devant l’exposition consacrée à Nelson à Londres en octobre 2014 : ‘En tant qu’Indien, je me sens offensé par l’œuvre de Jimmy Nelson. C’est révoltant! Nous ne sommes pas en train de disparaître, nous luttons pour survivre. Nous n’abandonnerons jamais notre combat pour défendre nos terres et contribuer à la protection de la planète’ avait-il déclaré.
Un Maori de Nouvelle-Zélande avait également interpellé le photographe : ‘Le titre de votre livre est trompeur, il renvoie une fausse image de nous. Ce que je veux dire, c’est que les Maoris ne sont pas une espèce en voie de disparition et nous n’avons pas besoin que vous nous représentiez de la sorte pour les besoins de votre livre. (…) Je vous l’affirme, nous ne sommes pas en train de disparaître’.
Lucille Escartin, de Survival International (France) a déclaré : ‘L’œuvre de Jimmy Nelson risque de porter de graves préjudices aux peuples indigènes. En convaincant l’opinion de la fatalité de leur disparition, Nelson contribue à conférer une plus grande légitimité aux entreprises et aux gouvernements pour porter atteinte à leurs droits fondamentaux’.
Notes aux rédactions :
- Les photos de Nelson seront exposées à l’Opium Gallery du 3 au 30 septembre.
- La galerie nous a contacté suite à la réception de notre lettre. Lire la lettre de Survival (France) à l’Opium Gallery.
- Voir le Blog ‘We’re not dead yet’
- Le site de Jimmy Nelson : https://www.beforethey.com/