Les Peuples de la vallée de l'OmoLes Peuples de la vallée de l'OmoLes Peuples de la vallée de l'OmoLes Peuples de la vallée de l'OmoLes Peuples de la vallée de l'Omo

Les Peuples de la vallée de l'Omo

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Cette page a été créée en 2009 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.

Un barrage hydroélectrique géant et l'accaparement de leurs terres associé aux plantations menacent les peuples de la vallée inférieure de l’Omo

Les peuples de la vallée de l’Omo vivent sur ces terres depuis des siècles et ont développé des techniques sophistiquées de survie dans un environnement hostile.

Ils n’ont pas donné leur consentement libre, préalable et éclairé à propos du barrage et des plantations et commencent à perdre leur mode de vie fondé sur le cycle de crue naturelle de la rivière.

La vallée inférieure de l’Omo, au sud-est de l’Ethiopie, est habitée par huit peuples différents dont la population représente environ 200 000 personnes.
Ces peuples vivent sur ces terres depuis des siècles.

De jeunes bergers mursi s’occupant du bétail, Ethiopie. © Ingetje Tadros/Survival

Cependant, l’avenir de ces peuples est incertain. Un barrage hydroélectrique géant, Gibe III, est en construction sur l’Omo afin d’irriguer de vastes plantations qui sont la cause de leur expulsion de leur territoire.

Salini Costruttori, une compagnie italienne, a commencé la construction du barrage Gibe III fin 2006 et l’a presque achevée. Des images satellite montrent que les opérations de remplissage du réservoir du barrage ont commencé.

Cela anéantira un environnement fragile et le mode de vie de ces peuples qui dépendent étroitement du fleuve et de ses crues annuelles.

Les Karo (ou Kara), dont la population atteint environ 1000 à 1500 individus, vivent sur la rive orientale du fleuve Omo, au sud de l’Ethiopie. Ici, femme karo et ses enfants. © Eric Lafforgue/Survival

Après avoir mené des études préliminaires la Banque européenne d’investissement et la Banque africaine de développement ont annoncé qu’elles cessaient de financer le barrage.
Pourtant, la plus grande banque chinoise, la Banque de commerce et d’industrie, a accepté de financer une partie de la construction du barrage et la Banque mondiale finance les lignes de transport d’électricité.

Des centaines de kilomètres de canaux d’irrigation détournent les eaux vitales vers les plantations.

Survival et plusieurs organisations régionales et internationales, ainsi que des hydrologues et d’autres spécialistes, estiment que le barrage Gibe III et les plantations auront des conséquences catastrophiques sur les peuples de l’Omo qui vivent déjà très difficilement dans cet environnement aride et hostile.

En mars 2011, le gouvernement éthiopien a annulé sa demande d’aide financière au gouvernement italien. La requête avait suscité la vive préoccupation de plusieurs ONG italiennes qui avaient exhorté le ministre des Affaires étrangères à ne pas soutenir le barrage controversé.

Survival et plusieurs organisations régionales et internationales estiment que le barrage Gibe III aura des conséquences catastrophiques sur les peuples de l’Omo qui vivent déjà très difficilement dans cet environnement aride et hostile.

Télécharger ‘What Future for Lake Turkana?’ par Sean Avery

L’accaparement des terres et la relocalisation forcée

En 2011, le gouvernement a entrepris de céder de vastes étendues de terres fertiles de la région inférieure du fleuve Omo à des compagnies malaysiennes, italiennes, indiennes et coréennes pour y produire des cultures commerciales telles que le palmier à huile, le jatropha, le coton et le maïs. Il a expulsé les tribus bodi, kwegu et mursi de leurs territoires, les installant dans des camps de relocalisation pour faire place au projet de grande envergue Kuraz-Sugar, d’une étendue de 150 000 hectares mais qui couvrira finalement 245 000 hectares.
Les Suri qui vivent à l’ouest de l’Omo sont également relocalisés de force pour faire place aux vastes plantations commerciales.

Les réserves céréalières des communautés, leurs ruches et leurs pâturages ont ainsi été détruits. Ceux qui s’opposent à l’accaparement de leurs terres subissent régulièrement des mauvais traitements et sont jetés en prison. De nombreux cas de viols et de meurtres d’autochtones par les militaires qui patrouillent dans la région et par les ouvriers des plantations ont été rapportés.

Les Bodi, les Mursi et les Suri ont été informés qu’ils devaient renoncer à leurs troupeaux, une part essentielle de leurs moyens de subsistance, et qu’ils ne pouvaient conserver que quelques vaches dans les camps de relocalisation où ils dépendront des subsides gouvernementaux pour survivre. Les services et l’aide alimentaire sont souvent inexistants ou de piètre qualité dans les camps de relocalisation.

Télécharger le rapport de Human Rights Watch ‘What will happen if hunger comes’ (en anglais)

Aucune évaluation adéquate des impacts sociaux et environnementaux des plantations et du système d’irrigation n’a été réalisée et aucun des habitants indigènes de la vallée n’a donné son consentement libre, préalable et éclairé sur ces projets.

Des bailleurs de fonds tels que le Royaume-Uni et les Etats-Unis, les deux plus gros fournisseurs d’aide à l’Ethiopie, se sont rendus à plusieurs reprises dans la région pour enquêter sur les abus commis à l’encontre des droits de l’homme, mais ils ont refusé de publier leur rapport, le dernier en date étant celui de leur dernière visite, en août 2014.

Bien que le Royaume-Uni ait annoncé qu’il ne financerait plus le programme de promotion des services de base que beaucoup disent être lié aux relocalisations forcées, il a augmenté son financement dans d’autres régions. Des questions se posent quant au mécanisme mis en place pour assurer que ces fonds ne facilitent pas de tels abus.

Télécharger le rapport de l’Oakland Institute’s ‘Ignoring Abuse In Ethiopia’ (en anglais)

Modes de vie

La vallée inférieure de l’Omo est une région d’une beauté majestueuse offrant des écosystèmes d’une extrême variété dont des prairies, des affleurements volcaniques et l’une des rares forêts ‘vierges’ de l’Afrique semi-aride abritant une importante diversité faunistique.

Les femmes hamar s’agitent et soufflent dans leurs cornes tout en raillant les hommes maza qui les fouetteront. Les femmes considèrent les cicatrices comme une preuve de dévouement à leurs maris. © Ingetje Tadros/ingetjetadros.com

Les Bodi (Me’en), les Daasanach, les Kara (ou Karo), les Kwegu (ou Muguji), les Mursi et les Nyangatom vivent le long de l’Omo et en dépendent étroitement. Ils ont développé au cours des siècles des pratiques socio-économiques et écologiques complexes adaptées aux conditions climatiques difficiles et imprévisibles de cette région semi-aride.

La crue annuelle de l’Omo alimente la riche biodiversité de la région et garantit une sécurité alimentaire à ces peuples lorsque les précipitations sont rares.

Ils en dépendent donc pour pratiquer une ‘agriculture de décrue’, en utilisant le limon déposé sur les berges du fleuve par le lent retrait des eaux.

Ils pratiquent également l’agriculture pluviale et itinérante, produisant du sorgho, du maïs et des haricots dans les plaines inondées. Certains peuples comme les Kwegu, chassent le gibier et pratiquent la pêche.

Le bétail, les oies et les moutons jouent un rôle essentiel dans le mode de vie de la plupart de ces peuples qui en tirent du sang, du lait, de la viande et du cuir. Ils accordent une très haute valeur au bétail qui est utilisé comme moyen de paiement pour la dot de la mariée.

Chant indigène de la vallée de l’Omo. Enregistrement de Daniel Sullivan.

Les animaux domestiques représentent un important moyen de défense contre la famine due à la sécheresse. A certaines époques de l’année, les familles se rendent dans des campements provisoires pour procurer de nouveaux pâturages au bétail et se nourrissent du lait et du sang de leurs animaux. Les Bodi chantent des poèmes pour faire prospérer leur bétail.

De jeunes garçons hamar enduits de cendre blanche, vallée de l’Omo, Ethiopie. Le barrage Gibe III en construction détruira les moyens de subsistance de leur peuple. © Magda Rakita/Survival

D’autres peuples, comme les Hamar, les Chai ou les Turkana, vivent plus loin de la rivière, mais un réseau d’alliances interethniques s’est créé pour qu’ils aient également accès aux plaines inondées, en particulier en période de famine.

Malgré cette coopération, des conflits éclatent périodiquement pour l’accès aux ressources naturelles. Le gouvernement s’étant accaparé de plus en plus de terres indigènes, la compétition pour les rares ressources s’est intensifiée. L’introduction d’armes à feu a rendu les conflits interethniques beaucoup plus dangereux.

Sans voix

Les peuples de la vallée inférieure de l’Omo ont souffert de la perte progressive de leurs terres durant de nombreuses années. La création de deux parcs nationaux dans les années 1960 et 1970 les a empêchés de disposer des ressources essentielles à leur survie qui s’y trouvent.

Une famille hamar devant sa maison, vallée de l’Omo, Ethiopie. Le barrage Gibe III en construction détruira les moyens de subsistance de leur peuple. © Magda Rakita/Survival

Dans les années 1980, une partie de leur territoire a été transformée en une ferme irriguée étatique et très récemment, le gouvernement a lancé le projet de convertir une partie substantielle de leurs terres à la production d’agrocarburants.

Bien que la Constitution éthiopienne garantisse aux peuples indigènes le droit à la ‘pleine consultation’ et à ‘l’expression de leurs points de vue concernant la planification et l’implantation de mesures environnementales et de projets qui les affectent directement’, le processus de consultation n’est en réalité jamais mené entièrement et de manière appropriée.

Les peuples de la vallée inférieure de l’Omo prennent toutes les décisions qui les concernent lors d’importantes assemblées communautaires réunissant tous les adultes. Très peu d’entre eux parlent l’amharic, la langue nationale, et le taux d’alphabétisation est l’un des plus bas dans le pays, ce qui signifie qu’ils ont peu accès à l’information concernant les projets de développement qui les affectent.

Des conversations avec des organisations de la société civile en Ethiopie ont révélé que remettre en question les projets gouvernementaux était une démarche hautement périlleuse et aucune d’entre elles n’ose évoquer publiquement les dangers potentiels que représentent les barrages de crainte de la répression du gouvernement.’ Campagne pour la réforme de la Banque mondiale

Un expert de l’agence nord-américaine pour le développement international (USAID) qui s’est rendu dans la vallée de l’Omo en janvier 2009 pour évaluer les impacts du barrage Gibe III a rapporté que les communautés indigènes ne savaient rien ou quasiment rien de ce projet.

Dans le but de limiter le débat sur les politiques controversées et de resteindre la sensibilisation aux droits de l’homme, le gouvernement a publié un décret en février 2009 statuant que toute ONG ou autre association à but non lucratif recevant plus de 10% de ses fonds de sources étrangères (ce qui est pratiquement le cas de toutes les ONG en Ethiopie) ne peut promouvoir les droits démocratiques et humains.

En juillet 2009, le Bureau de Justice de la région sud a révoqué les licences de 41 ‘associations communautaires’, les accusant de ne pas coopérer avec la politique gouvernementale. De nombreux observateurs considèrent cette mesure comme une tentative réelle du gouvernement d’écarter toute discussion et de déjouer les mouvements d’opposition au barrage Gibe III.

Barrage Gibe III

En juillet 2006, le gouvernement éthiopien a signé un contrat avec la compagnie italienne Salini Costruttori pour la construction de Gibe III, le barrage hydroélectrique le plus important de tout le pays. Il n’a été lancé aucun appel d’offre pour le contrat, en violation avec la législation éthiopienne.

Un Kwegu, pêchant dans la rivière Omo, Ethiopie. © Survival International

La mise en œuvre du chantier a démarré en 2006 avec un budget de 1,4 milliard d’euros. La construction est presque terminée et le gouvernement a commencé à remplir le réservoir du barrage situé en amont.

Le barrage bloquera la partie sud-ouest de l’Omo qui s’étend sur 760 km depuis les hautes terres d’Ethiopie jusqu’au lac Turkana au Kenya. La vallée inférieure de l’Omo est un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco en raison de son importance géologique et archéologique. L’Omo s’y écoule dans les parcs nationaux Mago et Omo, où vivent plusieurs peuples indigènes.

Selon des experts, la réduction du débit de la rivière entraînera l’assèchement de deux tiers de la surface du lac Turkana. Cela aura un impact dévastateur sur la pêche dont dépendent des centaines de milliers de d’autochtones.

La législation éthiopienne sur l’environnement stipule qu’une évaluation d’impact environnemental et social (EIES) doit être menée avant l’approbation de tout projet. Malgré la législation, l’Agence fédérale éthiopienne de protection de l’environnement a approuvé l’EIES de manière rétroactive, en juillet 2008, deux ans après le commencement des travaux.

L’EIES a été menée par l’agence italienne CESI et a été financée par la compagnie éthiopienne d’électricité EEPCo (Ethiopian Electric Power Corporation) et Salini, faisant soulever des doutes quant à son indépendance et sa crédibilité. Son rapport publié en janvier 2009 soutient le projet, prétendant que l’impact sur l’environnement et les peuples concernés sera ‘négligeable’, voire ‘positif’.

A la saison sèche, quand le niveau de l’eau baisse, les Nyangatom, les Mursi et les autres tribus de la région, creusent de grands trous dans le lit de la rivière pour abreuver leur bétail et s’approvisionner en eau potable. © Serge Tornay/Survival

Selon des experts indépendants, le barrage aura un impact gigantesque sur l’écosystème délicat de la région en altérant la crue saisonnière de l’Omo et réduira dangereusement son volume en aval, ce qui provoquera la sécheresse de la zone riveraine et la disparition de la forêt lacustre.

Si la crue naturelle et ses riches dépôts de limon disparaissent, l’économie de subsistance des peuples de la région s’effondrera, exposant au moins 100 000 membres de communautés indigènes à une grave pénurie alimentaire.

Pour en savoir plus, lire le rapport de Claudia J. Carr du groupe de travail sur les ressources de l’Afrique

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