Inde : les Baiga ‘disparaitront’ s'ils sont expulsés de leur territoire ancestral
24 Mai 2016
Cette page a été créée en 2016 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.
Dans le centre de l’Inde, plusieurs villages tribaux risquent de disparaître car leurs habitants sont expulsés de force de leurs terres ancestrales au sein de la réserve de tigres d’Achanakmar. Ces terres se situent près de l’emblématique réserve de Kanha, source d’inspiration du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling.
Les Baiga sont constamment harcelés et on les a prévenu qu’ils devront quitter leurs villages pour vivre sur un terrain boueux en bordure de la réserve. Pourtant, aucune preuve ne démontre que leur présence porte préjudice aux tigres. Pour qu’une expulsion soit légale, il est nécessaire de démontrer que la présence de ces tribus représente une menace pour les tigres. Or, leur nombre aurait augmenté dans cette réserve, passant de 12 à 28 entre 2011 et 2015.
Un Baiga du village de Rajak a déclaré : ‘On ne veut pas partir, on ne peut pas. Que peut-on faire ? ’
Un témoin local a précisé également: ‘Il n’y a rien pour eux aux alentours du nouveau site, rien ne pourra pousser sur ces terres. Il n’y a pas d’eau et ils ne pourront pas vivre des ressources de la forêt. C’est pourquoi ils sont si fermement opposés aux expulsions, car s’ils partent d’ici ils disparaitront.’
Des gardes ont prévenu certains Baiga qu’ils libéreraient des ours et des serpents dans leurs villages s’ils ne quittaient pas ces terres. D’autres Baiga ont été arrêtés et harcelés – en 2009, un homme baiga avait été arrêté et mis en prison pour avoir mangé un écureuil qu’il avait trouvé mort dans la forêt.
Les Baiga qui ont déjà été expulsés de la réserve d’Achanakmar vivent désormais dans des camps de relocalisation peu adaptés à leurs besoins. Ils risquent d’être réduits à la misère en marge de la société nationale indienne.
Un membre de la tribu, du village de Chirahatta actuellement menacé d’expulsion, a déclaré: ‘Ils nous imposent des restrictions depuis deux ou trois ans. Ils ne nous laissent pas vivre, ils nous menacent et nous mettent en prison pour un rien. Ils sont très durs et très stricts. Si nous protestons, ils menacent de nous jeter en prison. Ils nous rendent la vie très difficile’.
D’autres Baiga travaillent avec acharnement dans les mines de bauxite, très souvent dans des conditions de travail épouvantables.
À travers le pays, des communautés tribales sont expulsées illégalement des réserves de tigres bien qu’il n’existe aucune preuve démontrant que leur présence menace la faune. Ces personnes risquent d’être arrêtées et, dans certains endroits, d’être torturées, battues et même exécutées sommairement si elles tentent de retourner sur leurs terres ancestrales. Pourtant, le tourisme de masse pour observer les tigres est encouragé.
L’année dernière, le nombre de tigres vivant au sein de la réserve naturelle BRT a augmenté bien au-delà de la moyenne nationale. Il s’agit de la seule réserve en Inde où les communautés autochtones locales ont été officiellement autorisées à rester sur leurs terres ancestrales. Cela démontre que les villages tribaux au sein des réserves ne représentent aucune menace pour les tigres ou pour leur habitat.
Survival a écrit au Fonds mondial pour la nature (WWF), la plus grande organisation de protection de l’environnement au monde, qui équipe et forme les gardes forestiers dans la région afin de l’alerter de la situation.
Plusieurs études confirment que les peuples autochtones savent, mieux que quiconque, protéger leur environnement. Pourtant, ils sont expulsés illégalement de leurs terres ancestrales au nom de la protection de la biodiversité. Les grandes organisations de protection de la nature se rendent coupables de cette situation car elles ne se prononcent jamais contre les expulsions.
Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Il est illégal et immoral de prendre pour cible des tribus qui coexistent avec les tigres depuis des siècles. L’industrialisation et la chasse à grande échelle, dont la pratique remonte à l’époque coloniale, sont les véritables raisons pour lesquelles le tigre est menacé d’extinction. Cette manière de faire est également inefficace, parce que cela nuit à la lutte contre les véritables braconniers – qui sont eux des criminels. Les grandes organisations de protection de la nature devraient créer des partenariats avec les communautés autochtones au lieu de soutenir le Département des forêts qui brutalise ces populations. Prendre les peuples autochtones pour cible nuit à la protection de la nature.’