Un rapport des Nations Unies confirme les liens existant entre la corruption et les crimes commis contre la vie sauvage
16 Juin 2016
Cette page a été créée en 2016 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.
Un nouveau rapport des Nations Unies a confirmé que les agents corrompus, plutôt que les groupes terroristes ou les peuples autochtones qui chassent pour nourrir leurs familles, sont au coeur des crimes commis à l’encontre de la vie sauvage dans de nombreuses parties du monde.
Les conclusions de ce rapport ont coïncidé avec une vague d’arrestations d’agents de protection de la vie sauvage en Afrique et en Asie, soulevant des craintes sur une éventuelle ‘épidémie’ mondiale de braconnage et de corruption parmi les gardes forestiers armés qui sont supposés protéger les espèces en danger.
Parmi les arrestations récentes pour corruption dans le cadre de la protection de la nature :
- Un garde forestier au Cameroun, Mpaé Désiré, et un chef de la police locale. Ils ont été arrêtés car soupçonnés d’être impliqués dans le commerce illégal d’ivoire sur le territoire ancestral des Baka et d’autres tribus de la forêt. M. Mpaé a été accusé par des Baka d’avoir battu des membres de leur tribu et d’avoir incendié l’un de leurs campements en forêt après les avoir accusés de braconnage.
Le Fonds mondial pour la nature (WWF) finance les gardes forestiers de cette zone du Cameroun depuis l’année 2000, au moins, malgré des rapports mentionnant que ces gardes arrêtaient, battaient et torturaient des chasseurs autochtones.
En 2013, un Baka a raconté à Survival : ‘Les gardes forestiers ouvraient des boîtes de sardines et les laissaient par terre pour appâter les léopards, comme ça ils pouvaient les chasser pour leurs fourrures’.
Un autre Baka a expliqué : ‘Les gardes forestiers ne veulent personne dans la forêt pour que personne n’entende les coups de fusil quand ils braconnent’.
Ailleurs :
- En Inde, quatre employés d’un parc ont été arrêtés pour le braconnage de rhinocéros à une corne dans la célèbre réserve de Kaziranga, là-même où des gardes forestiers sont encouragés à tirer à vue sur toute personne soupçonnée de braconner. 62 personnes y ont été tuées en tout juste 9 ans.
- Un garde forestier a été arrêté près de Kaziranga après que la police a découvert une peau de tigre et de l’ivoire chez lui.
- Dans la réserve de tigres de Pench dans le centre de l’Inde, un garde forestier, dénommé Vipin Varmiya selon les rapports, a été arrêté pour avoir tué un tigre et ses deux petits.
Un récent rapport de la Brookings Institution a confirmé que les grandes organisations de protection de la nature échouent à lutter contre les véritables braconniers – des criminels qui conspirent avec des fonctionnaires corrompus. La relation existant entre la corruption et la criminalité liée aux espèces sauvages a également été signalée en Tanzanie, en Afrique du Sud, au Kenya, au Zimbabwe, en Ouganda et en Indonésie.
L’implication des gardes forestiers armés dans le braconnage, dans des pays où sont employées des techniques militarisées de protection de la nature, soulève des questions quant à la pertinence de l’usage de la violence et de l’intimidation pour protéger la faune et la flore. Dans de nombreuses parties du monde, l’utilisation de ces techniques a conduit à la violence envers les communautés autochtones locales, notamment au Cameroun et en Inde. Les exécutions sommaires au nom de la protection de la nature risquent d’être de plus en plus répandues en Inde.
En février 2016, Survival a porté plainte devant l’OCDE contre le Fonds mondial pour la nature (WWF) pour son implication dans le financement de projets de protection de la nature répressifs et souvent violents au sud-est du Cameroun. Persécuter les meilleurs alliés de l’environnement au lieu de mettre en place des actions pour s’attaquer à ces problèmes systématiques compromet la protection de la nature.
Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘La réponse des organisations de protection de la nature au braconnage a été d’accuser les peuples autochtones quand ils chassent pour nourrir leurs familles, de soutenir des politiques de ‘tirer-pour-tuer’ et d’accuser les terroristes. Aucune de ces mesures ne fonctionne; elles compromettent la protection de la nature. Les véritables braconniers sont les criminels, y compris des gardes forestiers, qui conspirent avec des fonctionnaires corrompus. En s’associant à l’industrie et au tourisme, les grandes organisations de protection de la nature détruisent les meilleurs alliés de l’environnement, les peuples autochtones, qui en dépendent et le gèrent depuis des millénaires. Les peuples autochtones devraient être à la tête du mouvement de protection de la nature, ils savent qui sont les véritables braconniers, ils peuvent protéger leur territoire de l’exploitation forestière, ils protègent la biodiversité et savent, mieux que quiconque, prendre soin de leur environnement’.
Notes :
- Les rapports les plus récents indiquent que M. Mpaé a été remis en liberté et attend son procès.
- ‘Pygmée’ est un terme générique couramment employé pour désigner les peuples de chasseurs-cueilleurs du bassin du Congo et d’Afrique centrale. Ce terme, qui a acquis une connotation péjorative, est évité par certains groupes mais est considéré par d’autres comme un facteur d’identité.