Tragédie et joie dans l’Amazonie : la vie extraordinaire de Karapiru

Karapiru, qui a succombé au Covid-19. © Fiona Watson/Survival

 

Karapiru ("Faucon"), qui a succombé au Covid-19 dans sa communauté de l'Amazonie brésilienne, était un homme dont l'extraordinaire chaleur et la gentillesse étaient d'autant plus remarquables que "notre" société lui avait infligé une tragédie indescriptible.

Sa résilience et son stoïcisme ont été testés jusqu’à leurs limites après que des colons aient massacré toute sa famille. Karapiru a alors vécu seul dans la forêt pendant dix ans mais un bonheur inattendu l’attendait…

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La découverte, à la fin des années 1960, du plus riche gisement de minerai de fer de la planète sur le territoire de son peuple, les Awá de l’État du Maranhão, a précipité la destruction de sa terre. 

Rapidement, une vaste mine a été construite, une ligne de chemin de fer a été construite sur 900 km à travers la forêt pour transporter le minerai et de nombreux intrus ont afflué. Pour les colons, les Awá étaient un obstacle, une nuisance primitive, et ils tuèrent un très grand nombre d'entre eux.

 

© Bruno Kelly/Greenpeace

Certains ont fait preuve d'inventivité dans leurs meurtres : plusieurs Awá sont morts après avoir mangé de la farine additionnée de poison pour fourmis, un "cadeau" d'un fermier local. D’autres, comme Karapiru, furent abattus là où ils se trouvaient : chez eux, devant leurs familles. 

Karapiru pensait être le seul membre de sa famille à avoir survécu à un tel massacre. Les tueurs ont assassiné sa femme, son fils, sa fille, sa mère, ses frères et ses sœurs. Un autre fils a été blessé et capturé.

Gravement traumatisé, Karapiru s’échappa dans la forêt avec un plomb enfoncé dans le dos.

« C’était impossible de soigner la blessure. Je ne pouvais appliquer aucun remède dans mon dos et j’ai énormément souffert », a-t-il raconté à Fiona Watson de Survival. « Le plomb était chaud dans mon dos, il saignait. Je ne sais pas comment il ne s’est pas rempli d'insectes. »

Pendant les dix années qui ont suivi, Karapiru a vécu en cavale. Il a marché près de 640 kilomètres à travers les collines boisées et les plaines de l’État du Maranhão. Il était terrifié, affamé et seul.  « C’était très dur », raconta-t-il à Fiona Watson. « Je n’avais pas de famille pour m’aider, personne à qui parler. »

Quand le deuil et la solitude furent trop durs à porter (« Parfois je n’aime pas me rappeler tout ce qui m’est arrivé ») il se parlait doucement à lui-même, ou fredonnait en marchant.

Il a fini par être repéré par un fermier, qui lui a donné un abri. La nouvelle se répandit rapidement qu'un homme solitaire parlant une langue que personne ne comprenait avait été retrouvé. Après plusieurs tentatives infructueuses pour communiquer avec lui, les autorités ont fait un dernier effort : un jeune homme awá appelé Xiramukû a été emmené pour le rencontrer.

La rencontre avec Xiramuku fut l’une des choses que Karapiru n’aurait jamais pu imaginer durant sa décennie de deuil et solitude. Non seulement Xiramuku pouvait comprendre la langue de Karapiru, mais il utilisa un mot awá très précis qui transforma instantanément la vie de Karapiru : il l’appela « Papa ». L’homme qui se tenait devant Karapiru, en parlant sa langue maternelle, était son fils.

Xiramuku persuada son père de venir avec lui dans la communauté awá de Tiracambu, où il finit par se remarier. Aimé et chéri par ses proches, il était une figure centrale de la communauté, un père, un grand-père, un excellent chasseur et un enseignant des techniques forestières et des valeurs de la vie.

 

© Sarah Shenker/Survival

Alimenté par le chagrin, le traumatisme, la colère, un profond respect pour la forêt et le souci du bien-être de ses proches non contactés, Karapiru était toujours prêt à protester, aux côtés de ses proches et d'autres peuples, pour l'expulsion des exploitants forestiers et des éleveurs illégaux des territoires awá, et plus récemment contre les politiques génocidaires du gouvernement Bolsonaro.

Il se joignait aux manifestations avec son arc et ses flèches, ses plumes de vautours et de toucan décorant ses bras, et de l’énergie et de l’affection pour ceux qui l'entourent et la vie pour laquelle ils se battent.

Très observateur et curieux, Karapiru avait une analyse claire des gens qu'il rencontrait et de la différence entre les envahisseurs et les alliés non autochtones des Awá, qu'il accueillait chez lui avec chaleur, un sourire contagieux, une tape confiante sur la poitrine et le salut "Karapiru, katu, katu ? (Je suis Karapiru, tout va bien, comment vas-tu ?)".

 

 

 

Vous pouvez lire une version plus longue de l'histoire de Karapiru ici. Et si vous voulez aider à lutter contre les atrocités qui ont marqué la vie de Karapiru, rejoignez la campagne "Stoppez le génocide au Brésil" (#StopBrazilsGenocide). Nous savons que Karapiru souhaitait avoir le plus grand nombre possible d'alliés non autochtones pour aider son peuple à mettre fin à la mort et à la destruction. Il nous a dit un jour : « Les invasions de blancs sur le territoire Awá ne sont pas bonnes. Nous n'aimons pas ça. »

 

Vous pouvez également en savoir plus sur les Awá et sur la campagne mondiale de Survival pour leurs terres et leurs vies, ici.

 

 

 

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