Peuples autochtones et COP26 : briefing pour les journalistes

8 Novembre 2021

Des personnes baka, région de Messok Dja. © Fiore Longo/Survival

Les peuples autochtones jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Leurs terres protègent 80 % de la biodiversité mondiale. Pourtant, qu’il s’agisse d’incendies en Amazonie ou de marches contre les mines de charbon en Inde, les peuples autochtones risquent leur vie pour mettre fin à la destruction de la nature.

À l’approche de la COP26, Survival International présente trois questions clés qui démontrent le rôle central que jouent les peuples autochtones dans la lutte contre le changement climatique. Ces questions mettent en lumière les abus dont ils sont victimes et soulignent l’urgence de reconnaître leur précieuse connaissance des milieux naturels et de les placer au centre des discussions pour lutter contre l’urgence climatique.

Les Solutions fondées sur la Nature et le 30×30

Des Jenu Kuruba tiennent des pancartes lors de leur manifestation devant le parc national de Nagarhole, en Inde, d'où ils sont expulsés au nom de la “conservation de la nature”. © Survival

De plus en plus, les gouvernements, les entreprises et les grandes ONG de protection de la nature défendent l’idée que les Solutions fondées sur la Nature peuvent contribuer grandement à la lutte contre le changement climatique. Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent contre ces “mesures magiques” qui ne sont PAS réellement une “solution” à la crise climatique, mais constituent une attaque dangereuse et injuste contre les peuples autochtones et leurs terres.

Dans une large mesure, le terme de SfN n’est rien d’autre qu’une nouvelle façon de désigner des projets de compensation carbone existants qui se voient donner un coup de jeune avec ce nouveau nom. Ces “solutions” donnent un prix à la “nature”, car elles la conçoivent comme un capital ou un actif marchand qui permet aux grandes entreprises de continuer à polluer en échange de la “compensation” de leurs émissions de carbone, par exemple en plantant quelques arbres ou en “préservant” la forêt existante.

L’adoption à grande échelle de SfN se fera aux dépens de ceux qui sont les moins responsables de la crise climatique, les peuples autochtones et les autres populations locales, et détournera l’attention des véritables causes de la destruction de l’environnement et du changement climatique, ainsi que des principaux responsables : les émissions de combustibles fossiles, la surconsommation et l’exploitation des ressources menées par le Nord global et ses entreprises.

La SfN la plus connue est probablement le “30x30”, le plan mené par des gouvernements, des ONG et la “Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples” pour convertir 30 % de la Terre en Aires protégées d’ici 2030 : cela doublerait la surface actuelle de ces espaces.

Mais les Aires protégées ne résoudront pas la crise climatique. En outre, leur création sur des terres habitées par des peuples autochtones et des communautés locales entraîne souvent leur expulsion et leur persécution. En Afrique et en Asie, par exemple, la grande majorité des Aires protégées a entraîné l’expulsion des peuples autochtones et d’autres communautés locales. Ainsi, réclamer davantage d’Aires protégées revient en réalité à réclamer davantage de vols de terres, de militarisation, de meurtres, de tortures et d’abus au nom de la conservation de la nature.

Le moyen de loin le plus efficace et le plus juste de lutter contre la perte de biodiversité et le changement climatique consiste à donner aux communautés locales le contrôle de leurs terres et à reconnaître leurs droits fonciers : ce n’est pas un hasard si 80 % de la biodiversité de la Terre se trouve dans les territoires autochtones.

Survival travaille avec des communautés autochtones en Inde qui sont expulsées pour ouvrir la voie à des réserves de tigres ; et dans le bassin du Congo, où les Baka, les Bayaka et d’autres peuples sont dépouillés de leurs terres pour créer un vaste réseau d’Aires protégées.

Notes aux rédactions :

- Dossier de presse sur les Solutions fondées sur la Nature ”
- L’équipe de recherche de Survival, qui a une connaissance approfondie du sujet et des la régions mentionnées, est disponible pour des entretiens. Nous pouvons également fournir des contacts sur le terrain, des images, des témoignages vidéo, etc. Contactez-nous par mail ([email protected]) ou par téléphone (+33 7 82 53 82 55).

Destruction de l’Amazonie = génocide autochtone

Des hommes piripkura, Baita et Tamandua, oncle et neveu, photographiés lors d'une rencontre avec une unité de la FUNAI. Tous deux ont eu des interactions sporadiques avec l‘équipe locale de la FUNAI, mais sont retournés vivre dans la forêt. © Bruno Jorge

Les forêts et les zones boisées détenues et contrôlées par les peuples autochtones et les communautés locales contiennent quelque 37,7 milliards de tonnes de carbone, soit 29 fois plus que les émissions annuelles des véhicules particuliers du monde entier.

Mais en Amazonie, leur destruction rapide et croissante au cours des dernières années est bien connue. Le président Bolsonaro piétine les réglementations environnementales et poursuit ses projets d’ouverture des territoires autochtones à l’exploitation minière, forestière et agroalimentaire. Rien qu’entre mars et mai 2020, le gouvernement brésilien a approuvé 195 actes, dont des ordonnances, des décrets et d’autres mesures, visant à démanteler et à contourner directement ou indirectement diverses lois environnementales.

Plusieurs points urgents montrent les conséquences mortelles de ces politiques au Brésil :

- L’unique membre contacté du peuple piripkura a exprimé sa crainte que les exploitants forestiers opérant illégalement sur le territoire de son peuple ne prennent bientôt la vie de ses proches non contactés. Elle a récemment raconté à Survival International comment les bûcherons avaient massacré neuf de ses proches en une seule attaque. Son frère et son neveu, qui ont survécu aux attaques, vivent isolés dans la forêt.

- Le territoire de Piripkura est protégé par une ordonnance de protection des terres qui vient d’être renouvelée pour six mois. Ces ordonnances d’urgence sont utilisées pour protéger les territoires des peuples autochtones non contactés qui ne sont pas passés par le long processus de démarcation officielle. Ils protègent sept territoires de peuples autochtones non contactés et un million d’hectares de forêt amazonienne au Brésil. Mais les politiciens anti-autochtones et l’agro-industrie ont élaboré un plan secret pour les éliminer afin de voler ces terres à des fins d’exploitation agricole, forestière et minière… S’ils réussissent, cela pourrait entraîner l’anéantissement de peuples autochtones entiers à la suite d’un accaparement massif et illégal des terres.

- Les Yanomami sont le plus grand peuple autochtone relativement isolé d’Amérique du Sud. Ils vivent dans les forêts et les montagnes du nord du Brésil et du sud du Venezuela, et gèrent la plus grande superficie de forêt au monde sous contrôle autochtone. Malheureusement, ils sont également au premier plan de la rhétorique pro-mines de Bolsonaro. Quelque 20 000 chercheurs d’or illégaux détruisent et polluent leurs rivières tout en propageant des maladies. Les mafias criminelles sont de plus en plus actives, contrôlant le marché de l’or et terrorisant les Yanomami en toute impunité.

Le sort de l’Amazonie est sous les feux de la rampe lors de la COP26. Ces cas, et d’autres très similaires, montrent comment les peuples autochtones d’Amazonie et la lutte qu’ils mènent pour leurs terres et leur survie détermineront l’avenir de la forêt tropicale.

Notes aux rédactions :

- L’équipe de recherche de Survival, qui a une connaissance approfondie du sujet et des la régions mentionnées, est disponible pour des entretiens. Nous pouvons également fournir des contacts sur le terrain, des images, des témoignages vidéo, etc. Contactez-nous par mail ([email protected]) ou par téléphone (+33 7 82 53 82 55).

Le boom minier en Inde : les Adivasi attaqués

Des Adivasi (Autochtones) de la forêt de Hasdeo manifestent le jour de l'anniversaire de Gandhi pour défendre leurs droits constitutionnels. Village de Fateppur, Chhattisgarh. © Vijay Ramamurthy

La nécessité urgente pour tous les pays de réduire leurs émissions de CO2 figure en bonne place à l’ordre du jour de la COP26. L’histoire peu connue de ce qui se passe dans le centre de l’Inde est donc choquante et surprenante.

Dans le cadre de la campagne de Narendra Modi visant à rendre l’Inde autosuffisante sur le plan énergétique, les sociétés minières publiques et privées entreprennent une expansion sans précédent de l’exploitation du charbon dans les forêts autochtones de la ceinture centrale de l’Inde. Son ampleur est stupéfiante :

- 55 nouvelles mines sont prévues.

- 193 mines existantes seront agrandies.

- La production devrait passer à 1 milliard de tonnes par an dans tout le pays.

Dans l’inestimable forêt d’Hasdeo, dans l’État de Chhattisgarh, l’une des plus grandes zones forestières du pays, 10 000 Gonds, Oraons et autres Adivasi (Autochtones) opposent une résistance désespérée pour sauver leurs terres, leurs moyens de subsistance et leur forêt sacrée. À ce jour, une énorme mine à ciel ouvert a déjà été construite sur des terres adivasi : PEKB. La construction d’une autre mine, Parsa, pourrait commencer de façon imminente. Des centaines d’Adivasi ont récemment participé à une marche de protestation de 300 km en direction de la capitale de l’État.

Dans toute l’Inde, de nombreux Adivasi ont été arrêtés, persécutés et même tués pour s’être rebellés contre l’exploitation minière.

Ce cas résume parfaitement les contradictions entre le discours officiel du gouvernement sur le changement climatique et ce qui se passe réellement sur le terrain.

Notes aux rédactions :

- L’équipe de recherche de Survival, qui a une connaissance approfondie du sujet et des la régions mentionnées, est disponible pour des entretiens. Nous pouvons également fournir des contacts sur le terrain, des images, des témoignages vidéo, etc. Contactez-nous par mail ([email protected]) ou par téléphone (+33 7 82 53 82 55).

Yanomami
Peuple

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