Dissimulation : le complot du gouvernement brésilien visant à ouvrir le territoire d'un peuple non contacté dévoilé
27 Janvier 2022
Un extraordinaire complot visant à ouvrir le territoire d’un peuple non contacté à l’exploitation, ainsi qu’à supprimer les preuves de l’existence du peuple, vient d’être dévoilé au Brésil.
La dissimulation implique des hauts fonctionnaires de la FUNAI, l’agence gouvernementale des affaires autochtones, qui ont été triés sur le volet par le président Bolsonaro. On peut maintenant révéler que :
- ils ont organisé une réunion secrète avec un politicien notoire, allié de Bolsonaro, qui mène la campagne pour l’ouverture du territoire ;
- ils ont permis à ce politicien de consulter un rapport de terrain confidentiel décrivant de nouvelles preuves, y compris des données de localisation ;
- ils ont nié que ces nouvelles preuves existaient.
Le territoire d’Ituna Itatá (“Odeur de feu”), dans l’État du Pará, a été le territoire autochtone le plus déboisé du pays en 2019, mais il a bénéficié d’une certaine protection grâce à une Ordonnance de protection des terres ; ces ordonnances sont prises dans l’urgence et utilisées pour protéger les territoires des peuples non contactés n’ayant pas suivi le long processus de démarcation officielle.
L’ordonnance a expiré le 25 janvier 2022, mais un juge fédéral a ordonné hier à la FUNAI de la renouveler. Les agents de terrain de la FUNAI ont mené une expédition l’été dernier, avant son expiration, pour voir s’ils pouvaient confirmer la présence permanente du peuple non contacté sur le territoire.
Ils ont trouvé des preuves extraordinaires de la présence d’un peuple non contacté sur le territoire, notamment un pot, des restes de nourriture et les traces d’un campement, et ont soumis un rapport détaillant ces preuves.
Mais la FUNAI a nié l’existence de toute preuve de la présence du peuple non contacté. Elle a toutefois tenu une réunion secrète avec le sénateur Zequinha Marinho, le politicien pro-Bolsonaro notoire qui, comme cela a déjà été révélé, a secrètement fait pression pour ouvrir le territoire d’Ituna Itatá à l’exploitation. Lors de cette réunion, ils ont montré au sénateur le rapport complet, qui comprend les lieux où les preuves ont été découvertes. Ces informations très sensibles ont été utilisées par le passé par des éleveurs et des exploitants forestiers pour attaquer et tuer des peuples non contactés afin de voler leurs terres.
La rencontre avec le sénateur Zequinha n’a pas été divulguée publiquement sur l’agenda officiel du président de la FUNAI.
Le bureau du procureur d’Altamira, la grande ville la plus proche d’Ituna Itatá, a ouvert une enquête et a demandé à la FUNAI de lui remettre le rapport complet, ce qu’elle a maintenant fait.
La directrice de la recherche et du plaidoyer de Survival, Fiona Watson, a déclaré aujourd’hui : « Il est impossible d’imaginer une plus grande trahison de la vocation de la FUNAI que celle-ci : l’organisme officiel qui existe pour défendre les droits des peuples autochtones travaille maintenant activement à leur extermination. C’est un génocide en action. Si cela n’est pas contesté et renversé, nous assisterons à la destruction complète d’un des peuples les plus vulnérables de la planète. »
Leonardo Lenin Santos de l’OPI (voir ci-dessous) a déclaré aujourd’hui : « La manière dont la direction de la FUNAI a traité les Ordonnances de protection des terres est une preuve supplémentaire des actions criminelles du gouvernement Bolsonaro en ce qui concerne son attaque contre les droits territoriaux autochtones, qui sont garantis par la Constitution. Le cas du territoire autochtone d’Ituna Itatá est très grave. Une équipe d’agents de terrain qualifiés, expérimentés dans la localisation et le suivi des peuples autochtones non contactés, a effectué des expéditions l’année dernière et a trouvé des preuves de la présence d’un peuple autochtone non contacté. Cependant, la FUNAI a rejeté toutes les preuves documentées par l’équipe de terrain, et menace et harcèle cette dernière tout en défendant les droits de propriété des envahisseurs. Le risque d’un nouveau génocide par l’État brésilien est en cours. »
Un nouveau rapport produit dans le cadre de la campagne “Uncontacted or Destroyed” – en français “Non contacté ou détruit” (voir ci-dessous) – montre comment Ituna Itatá fait déjà l’objet d’un accaparement des terres à grande échelle, notamment à travers des colonies, l’exploitation forestière, la construction de routes et même de lignes électriques.
Note :
L’année dernière, les organisations COIAB (Organisme de coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne) et l’OPI (Observatoire des droits humains des peuples autochtones non contactés et récemment contactés), avec le soutien de l’APIB (Articulação dos Povos Indígenas do Brasil), l’ISA (Instituto Socioambiental) et Survival International, ont lancé la campagne Uncontacted or Destroyed pour faire pression sur le gouvernement brésilien afin qu’il renouvelle toutes les ordonnances de protection des terres qui protègent actuellement les territoires des peuples non contactés.