Il existe une très grande variété de termes pour désigner les peuples le plus communément appelés “indigènes”, “autochtones” ou “tribaux”. Bien que tous ces termes recouvrent des réalités identiques, aucun n’est entièrement satisfaisant. Il n’existe pas de consensus sur une définition universelle en raison de la diversité des situations et des enjeux politiques.
Le terme “autochtone” est d’usage courant sur le plan international. Ainsi, José Martínez Cobo, rapporteur spécial des Nations Unies décrit: “Par communautés, populations et nations autochtones, il faut entendre celles qui, liées par une continuité historique aux sociétés antérieures à l’invasion et aux sociétés précoloniales qui se sont développées sur leurs territoires, s’estiment distinctes des autres segments de la société qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires. Elles constituent maintenant des segments non dominants de la société et elles sont déterminées à préserver, développer et transmettre aux futures générations leurs territoires ancestraux et leur identité ethnique, qui constituent la base de la continuité de leur existence en tant que peuples, conformément à leurs propres modèles culturels, à leurs institutions sociales et à leurs systèmes juridiques”.
Erika-Irene Daes, ancienne présidente du Groupe de Travail sur les peuples autochtones des Nations Unies retient pour sa part les critères suivants:
- “L’antériorité de leur implantation.
- Le maintien volontaire des spécificités culturelles différentes des sociétés majoritaires.
- Le fait de s’identifier soi-même et d’être reconnu par autrui comme une communauté distincte.
- L’expérience de l’oppression, de la marginalisation, de l’expropriation, de l’exclusion et/ou de la discrimination”.
En tout état de cause, ces peuples sont les membres de sociétés non industrielles, non marchandes ou partiellement marchandes, marginalisées par rapport au pouvoir central ou national du pays où elles sont situées, organisées selon des réseaux de parenté et d’alliance, des hiérarchies politiques sui generis et des systèmes économiques basés sur le don, l’échange matériel ou symbolique et la réciprocité. Ils sont souvent les habitants originels de leurs territoires ou les occupent depuis des centaines, voire des milliers d’années. Ils sont chasseurs, pêcheurs, cueilleurs, cultivateurs (sur brûlis dans les forêts tropicales) ou éleveurs de bétail. Ils ont en général un très fort attachement culturel, émotionnel et spirituel à leur terre dont les produits leur donnent tout ce qui est nécessaire à leur vie matérielle et sociale.
Ils sont souvent minoritaires, donc moins nombreux donc dans leur pays que ceux qui constituent les groupes dirigeants ou qui ont des modes de vie économiques et socio-culturels conformes au modèle dominant. Leurs sociétés sont en effet différentes, divergentes par rapport à ce modèle, ils parlent souvent des langues non apparentées aux langues officielles, ils maintiennent des traditions ancestrales et se pensent eux-mêmes différents de la majorité ou de leurs voisins.
AUTOCHTONE, INDIGÈNE, TRIBAL, ABORIGÈNE
Si le terme “autochtone” (étymologiquement: “qui est issu du sol même où il habite, qui est censé n’y être pas venu par immigration”) est couramment employé par les instances internationales, l’Organisation internationale du Travail (OIT, une branche des Nations Unies) se réfère à “indigène”: “qui appartient à un groupe ethnique existant dans un pays avant sa colonisation”. Ainsi, l’article 1er de la Convention 169 relative aux peuples indigènes et tribaux qu’elle a formulée en 1989 établit une distinction entre deux types de bénéficiaires:
- “les peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont totalement ou partiellement régis par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale;”
- “les peuples dans les pays indépendants qui sont considérés comme indigènes du fait qu’ils descendent des populations qui habitaient le pays, ou une région géographique à laquelle appartient le pays, à l’époque de la conquête ou de la colonisation ou de l’établissement des frontières actuelles de l’Etat et qui, quel que soit leur statut juridique, conservent leurs institutions sociales, économiques, culturelles et politiques propres ou certaines d’entre elles”.
Par “tribal”, l’OIT désigne les collectivités dites ethniques d’Asie et d’Afrique dont les modes de vie diffèrent de ceux de la société nationale. Elles diffèrent des peuples autochtones des anciennes colonies de peuplement européen. Sans faire l’unanimité au sein de la communauté internationale (seuls 20 pays l’ont ratifiée), la Convention est devenue une référence dans certains pays d’Amérique latine.
Quoi qu’il en soit, le terme “tribal” renvoie à une forme particulière d’organisation politique, loin d’être partagée par toutes les sociétés. Ce terme peut introduire la confusion et entretenir des idées fausses sur la nature et la structure de ces sociétés. De fait, dans certaines régions du monde, notamment celles qui ont subi la colonisation, en Afrique ou en Inde par exemple, les populations locales revendiquent toutes, à juste titre, la qualité d’indigènes par opposition aux colonisateurs d’origine européenne qui ont accaparé leurs terres et les ont longtemps dominés politiquement et économiquement.
Survival, quant à elle, distingue les peuples autochtones des peuples dits “tribaux”. Ces derniers, qui ont suivi durant plusieurs générations un mode de vie nettement différent du courant principal, représentent une population relativement peu nombreuse et ne sont pas – ou très peu – dépendants de la société nationale. Ils représentent environ 40% de la population “indigène” totale, estimée par les Nations Unies à 370 millions de personnes.
La plupart des Indiens nord-américains utilisent le mot “tribu” (tribe) pour se décrire eux-mêmes (ex.: la “tribu des Apache de la Montagne Blanche” ou "la tribu des Arapaho du Nord“). Les termes “native people” au Canada et “Native Americans” aux Etats-Unis, sont couramment employés dans ces pays, mais ailleurs l’utilisation de “native” a une connotation plutôt coloniale, particulièrement en Afrique.
Le terme “Aborigène” est communément utilisé en Australie et est parfaitement accepté en Argentine pour désigner les peuples autochtones de ce pays, mais n’est guère utilisé ailleurs en Amérique du Sud.
D’autres termes, tels que “peuples racines”, “premières nations” (principalement employé au Canada), ou “peuples premiers” sont parfois utilisés pour désigner ces peuples, dans un souci d’éviter les connotations coloniales que revêt l’appellation “indigène”, mais aucun ne fait l’unanimité.
INDIEN
Ne s’applique qu’aux peuples des Amériques. Bien que son utilisation pose problèmes à certains – particulièrement dans le monde universitaire, qui s’inquiète des accents méprisants que ce terme peut véhiculer –, il est couramment utilisé par les intéressés eux-mêmes. Pratiquement tous les groupes autochtones d’Amérique du Nord (à quelques exceptions près) l’utilisent sans restriction. Aux Etats-Unis certains le préfèrent à l’expression “Native Americans” car ils ont le sentiment que ce terme implique qu’ils ne sont simplement qu’une minorité nationale parmi d’autres, telles que les Afro-Américains ou les Hispano-Américains, et non pas les peuples qui vivaient sur ce continent avant la création de l’Etat américain.
En espagnol, le mot “indio” a généralement des connotations péjoratives, mais pas partout puisque certains Indiens andins se sont réapproprié le terme. En revanche, au Brésil, ce mot n’est pas méprisant et il est couramment utilisé par les Indiens et leurs défenseurs.
AMERINDIEN
Terme de plus en plus utilisé de nos jours pour désigner les premiers habitants des Amériques, notamment au Guyana, pour distinguer les peuples autochtones de ce pays des immigrants venus de l’Inde, et en Guyane française.
BUSHMAN (Bochiman en français)
Ce terme fait référence aux peuples de tribus distinctes qui ont vécu pendant des milliers d’années en Afrique australe, en particulier au Botswana, en Namibie, Afrique du Sud et Angola. Le terme “Bushman” (“Bushmen” au pluriel, “Bochiman” en français) dérive de la forme anglaise du terme hollandais/afrikaans “bosjemans” ou “bossiesmans” signifiant “bandit” ou “hors-la-loi”. Même s’ils n’ont pas pour habitude de se désigner par un nom générique, le terme “Bushman” est aujourd’hui largement utilisé et accepté par les populations d’Afrique australe sans être connoté péjorativement, contrairement à “Basarwa” (terme setswana signifiant “ceux qui ne possèdent pas de bétail”) qui est employé par les officiels et les Botswanais. “San”, apparu récemment et assez répandu en Afrique australe, est un terme nama qui a également une connotation péjorative. Pour un Khoïkhoï, leurs voisins, un San est un bon à rien ou un bandit et certainement pas l’un des leurs.
La plupart de ces termes étant généralement considérés comme impropres, aucun n’ayant retenu l’unanimité, celui de Bushmen est le plus largement reconnu et accepté par les membres de ce peuple; ils ont le sentiment que c’est le terme qui fait le mieux état de leur relation au “bush”, à la terre qui leur est si précieuse. Cependant ils utilisent l’autonyme de chaque groupe pour se référer à l’un d’entre eux (par exemple, Ju/‘hoansi, Hai//’om, Khwe ou Khoe, G//ana, G/wi).
ESKIMAU
Les habitants des régions arctiques d’Amérique et du Groenland ont longtemps été appelés Esquimaux. Ce mot indien qui veut dire “mangeur de viande crue” est devenu très péjoratif et de moins en moins accepté. Ils privilégient le terme “Inuk” qui se traduit par “être humain” (“Inuit” au pluriel).
“PYGMEE”
Terme couramment employé pour faire référence aux peuples chasseurs-cueilleurs du bassin du Congo et d’Afrique centrale. Ce terme a acquis une connotation péjorative et certains peuples autochtones évitent de l’utiliser. Cependant, il est considéré par certains groupes comme un facteur d’identité. De la même manière, le terme “Bushman” englobe une variété de peuples distincts.
Parce qu’il s’agit du terme le mieux compris par le plus grand nombre, Survival a choisi de l’utiliser, tout en avertissant de son caractère ambigu.Le terme “pygmée” a également été utilisé pour décrire plusieurs tribus noires d’Asie, même si dans ce contexte il peut avoir une connotation péjorative.