Le premier congrès pour décoloniser la conservation de la nature s'est achevé par un appel à placer les humains au cœur de la conservation

8 Septembre 2021

La conférence de presse “Notre terre, notre nature” a résumé les messages clefs du congrès ayant eu lieu la veille. © Survival

Le premier congrès mondial visant à décoloniser la conservation de la nature s’est achevé la semaine dernière sur une série d’interventions appelant à la fin de la “conservation-forteresse” et à la pleine reconnaissance des droits des peuples autochtones.

Le congrès “Notre terre, notre nature”, qui s’est tenu la semaine dernière à Marseille, en France, a été programmé pour avoir lieu la veille de l’ouverture du Congrès mondial de la nature de l’UICN, organisé dans la même ville. Plus de 3000 personnes y ont assisté, en personne ou en ligne.

Au cours de la conférence de presse, le Dr Mordecai Ogada, écologiste spécialiste des carnivores et de la conservation, a déclaré : « Le projet des 30×30 est un problème structurel. Pour bien faire les choses, nous devons changer la structure – avant de peindre les murs d’une couleur qui nous plaît, au lieu de construire un autre type de maison. Nous devons repenser le type d’Aires protégées existantes et rechercher un modèle de protection de la biodiversité plus sophistiqué. C’est là que les grandes organisations se trouvent devant un grand défi, car il leur est très difficile de modifier leurs propres structures. »

Taneyulime Pilisi, Kalin’a des Guyanes, s'est exprimée lors de “Notre terre, notre nature”, déclarant que les parcs d'Amazonie ne sont pas des terres “vierges”, mais que des Autochtones y vivent. © Survival

Juan-Pablo Gutierrez (Yukpa) de l’ONIC (Colombie), a déclaré que les Aires protégées étaient déjà protégées depuis des années – et ce par les personnes et les communautés qui les ont protégées pendant tout ce temps. Le 30×30 est donc une mesure de distraction de la part des gouvernements. « Ils sont en train de dévier l’attention du monde vers une solution qui n’a absolument rien à voir avec la problématique ». Si on veut s’attaquer au changement climatique, on doit reconnaître que ces terres sont déjà protégées par les peuples autochtones et « s’attaquer aux sources du réchauffement climatique, c’est-à-dire au système néolibéral et capitaliste ».

Le Dr Mordecai Ogada lors de “Notre terre, notre nature” : « En Afrique, la conservation est de droite, exclusive, militarisée, violente et raciste. Voilà la vérité qui dérange : la conservation de la nature en Afrique est raciste. » © Survival

Pendant le congrès, des experts et activistes, autochtones et non autochtones, ont appelé :

- à ce que les droits territoriaux des peuples autochtones soient au cœur de la conservation, pas les nouvelles Aires protégées ;

- à abandonner le plan des 30×30 (qui consiste à transformer 30 % de la Terre en Aires protégées d’ici 2030) et celui des “Solutions fondées sur la nature”, qui entraîneront tous deux de nouvelles violations des droits humains pour les peuples autochtones et les communautés locales ;

- à ce que les peuples autochtones soient placés au cœur de la conservation, de l’action climatique et de la protection de la biodiversité ;

- à la fin de la “conservation-forteresse” – le modèle raciste et colonial de conservation mis en avant par les gouvernements, entreprises et grandes ONG de conservation de la nature.

« Le capitalisme multipartite, les grandes entreprises d'aujourd'hui... L'ordre du jour est fixé à Davos, et non sur le terrain. Lorsque ce sont eux qui fixent l'ordre du jour, est-il même possible de décoloniser ? » demande Madhuresh Kumar, d'Inde, lors de la conférence “Notre terre, notre nature”. © Survival

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, David Boyd, a récemment publié un document d’orientation au langage ferme, dans lequel il affirme que la réalisation des objectifs environnementaux « exige un changement radical par rapport à la “conservation habituelle” ». Il préconise à la place une approche radicalement différente, fondée sur les droits.

Les intervenants de “Notre terre, notre nature” publieront prochainement une déclaration collective, qui paraîtra sur le site internet de Survival International.

Le vendredi 3 septembre, une marche de protestation a eu lieu à Marseille pour s'opposer au congrès de l'IUCN inauguré ce jour-là dans la même ville. La foule des manifestants s'est rendue de la Porte d'Aix au Vieux-Port, où ils ont illustré l'absurdité du projet des 30 % en délimitant un tiers de L'Ombrière, qui abrite une partie de l'esplanade piétonne en bordure du Vieux-Port. © Noé Gabriel

Vous pouvez regardez le congrès du 2 septembre ici :
- Partie 1
- Partie 2

La conférence de presse du 3 septembre peut être visionnée ici.

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