COP 15 : l’AFD s’engage à investir 15 millions d’euros dans un fonds de conservation opaque
16 Décembre 2022
Lors de la COP 15 à Montréal, le gouvernement fédéral allemand a annoncé des financements supplémentaires pour le “Fonds du patrimoine naturel” (Legacy Landcapes Fund en anglais) dont 15 millions d’euros de l’AFD. Fiore Longo, directrice de la campagne de Survival “Décoloniser la protection de la nature”, a déclaré aujourd’hui à ce sujet :
« Le Fonds du patrimoine naturel n’est pas un projet phare, mais un leurre. Ces dernières années, de graves scandales ont ébranlé à plusieurs reprises les soutiens financiers allemand et français à la “protection” de la biodiversité. Dans des projets soit-disant exemplaires comme la réserve de tigres de Kaziranga les projets de “conservatoires communautaires” de NRT ont lieu des graves violations de droits humains, des meurtres et des expulsions de peuples autochtones. Récemment, l’AFD a été épinglée pour son projet scandaleux de financer le parc national de Kahuzi-Biega en République démocratique du Congo, alors que ce parc est le théâtre d’atrocités contre le peuple autochtone batwa.
Et ces cas ne sont que la partie émergée des abus systémiques commis dans le cadre du modèle dominant de conservation. »
Ce Fonds du patrimoine naturel est, plus que tout autre, synonyme de la perpétuation du modèle de conservation-forteresse : la condition d’éligibilité pour recevoir des financements est l’exclusion de la population locale d’une grande partie de ses terres et les ONG de conservation qui en sont déjà bénéficiaires du fonds sont tristement célèbres pour pratiquer une protection militarisée de la nature.
Ce type de fonds devient ainsi le dernier moyen de continuer à financer des projets et des organisations de conservation sans obligation de rendre des comptes au public et sans aucune transparence. Grâce aux recherches de Survival et d’autres — qui ont documenté le côté sanglant des soutiens financiers français et allemand à la “protection” de la biodiversité — le financement public des projets de conservation est sur la sellette. Mais l’argent des contribuables que la France va injecter dans ce Fonds est censé agir éternellement et sans contrôle public.
Dans ce contexte, le fait que le “Fonds du patrimoine naturel” soit vanté comme un exemple remarquable de la protection des espèces ne peut s’expliquer que par le fait que la France n’en a rien à faire des droits des peuples autochtones.
Contexte :
- Les critères d’éligibilité du Fonds stipulent qu’au moins 50 % de la surface de l’Aire protégée subventionnée doit être soumise aux catégories d’Aires protégées I ou II (ou équivalentes) les plus strictes. Les Aires protégées de cette catégorie sont gérées par des agences gouvernementales et/ou de grandes ONG de conservation et excluent toute utilisation par la population locale. Cela inclut généralement tout ce que les peuples autochtones font pour nourrir leurs familles, comme la chasse, la cueillette, la pêche, etc.
- On estime que les territoires habités par les peuples autochtones contiennent environ 80% de la biodiversité restante de la planète. Les territoires qu’ils gèrent sont souvent moins sujets à la déforestation. Les communautés autochtones sont en première ligne de la lutte contre la destruction de leurs terres par l’industrie et les gouvernements dans le monde entier. La “protection de la nature”, qui affaiblit les droits des peuples autochtones, nuit donc également à la biodiversité.
- Les ONG de conservation qui ont jusqu’à présent bénéficié du fonds ont déjà été impliquées dans des violations de droits à l’encontre de peuples autochtones et communautés locales : Wildlife Conservation Society, Conservation International, Zoologische Gesellschaft Frankfurt et African Parks.
- Aux États-Unis, un projet de loi est en cours de discussion, qui prévoit des règles plus strictes en matière de responsabilité et de transparence dans les projets de conservation, après que des violations des droits humains dans des projets ayant bénéficié de l’argent des contribuables y ont également été révélées. La France n’a pas encore mis en œuvre de mesures ou de recommandations comparables.