La persécution des Bushmen se poursuit, vingt ans après que l'ONU en ait été informée

7 Avril 2016

Roy Sesana (photo) et John Hardbattle ont, pour la première fois, fait connaître la situation des Bushmen à l’ONU le 27 Mars 1996. © Livia Monami /Survival

Cette page a été créée en 2016 et pourrait contenir des termes à présent obsolètes.

Il y a tout juste 20 ans, le 27 mars 1996, les Bushmen de la Réserve du Kalahari central (CKGR) faisaient connaître leur situation à l’ONU.

En 2006, la Haute Cour du Botswana jugeait que l’expulsion des Bushmen de leur territoire ancestral situé dans la Réserve du Kalahari central était ’illégale, injuste et avait été initiée sans leur consentement’.

Aujourd’hui, le gouvernement déclare que seul le petit nombre de Bushmen désignés comme plaignants dans le procès ont le droit de retourner vivre sur leurs terres. Dans un système qui s’apparente aux lois sur les laissez-passer ( ou ‘pass laws’) en vigueur sous le régime de l’apartheid en Afrique du Sud, les proches des plaignants et leurs enfants sont obligés de solliciter un permis pour rendre visite à ceux qui vivent à l’intérieur de la réserve. Ils risquent une peine de 7 ans de prison s’ils s’y rendent sans autorisation.

En 2014, Farida Shaheed, le Rapporteur spécial des Nations-Unies pour les droits culturels, a exigé du gouvernement botswanais qu’il ‘clarifie la situation’. Mme Shaheed avait constaté que ‘le groupe affecté craignait qu’une fois les aînés de la communauté disparus, plus personne n’aurait le droit de vivre dans la réserve.’

Le mois dernier, le ministre des Affaires étrangères botswanais aurait déclaré au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies que les conclusions du rapport de Mme Shaheed étaient ‘incompatibles avec la relocalisation (des Bushmen) et la décision concernant l’affaire de la CKGR. Le gouvernement n’a pas relocalisé de force les Basarwa (Bushmen)’.

Lorsqu'ils atteignent l’âge de 18 ans, les enfants bushmen doivent solliciter un permis mensuel pour pouvoir rendre visite à leurs parents à l’intérieur de la réserve. Ils risquent une peine de 7 ans de prison s’ils s’y rendent sans autorisation. © Lottie Davies/Survival

Depuis plus d’une décennie, plusieurs représentants de l’ONU ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation des Bushmen, notamment deux Rapporteurs spéciaux sur les droits des peuples autochtones, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, le Comité des droits de l’homme et le Conseil des droits de l’homme.

Le Département d’État américain et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ont tous deux, à maintes reprises, demandé au gouvernement d’appliquer pleinement la décision de la Cour.

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré : ’Le gouvernement botswanais pense qu’il peut mentir au sujet des souffrances qu’il a infligées aux Bushmen, mais la décision de la Cour est claire. Nous espérons que le Président Khama célèbrera le cinquantième anniversaire de l’indépendance du Bostwana en écoutant enfin les Bushmen, les Nations-Unies et, surtout, les résolutions de sa propre Cour. Ceci est extrêmement important, non seulement pour la survie des Bushmen mais aussi pour tous ceux soucieux de défendre la démocratie et l’État de droit au Botswana.

Chronologie : l’ONU fait part de ses préoccupations concernant le Botswana

Le 27 mars 1996, Les porte-paroles bushmen John Hardbattle et Roy Sesana alertent la Commission des Nations-Unies des droits de l’homme à Genève au sujet des problèmes auxquels est confrontée leur communauté. John Hardbattle est décédé le 11 novembre de la même année.

En 2002, le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones, Rodolfo Stavenhagen, visite un camp de relocalisation et constate que les Bushmen sont victimes de ‘pratiques discriminatoires’, et sont ‘dépossédés de leurs terres ancestrales’.

Plus tard dans l’année, le Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination raciale fait part de sa préoccupation concernant la ‘spoliation continue des Basarwa / San de leurs terres’.

Au cours des années suivantes, Rodolfo Stavenhagen et le Comité ne cessent de faire part de la détresse des Bushmen au gouvernement. En 2005, Stavenhagen exprime son ‘extrême préoccupation quant à la relocalisation forcée de centaines de Bushmen loin de leurs terres ancestrales et de leurs territoires de chasse dans le Kalahari Central’. Il note également que le gouvernement botswanais n’a pas répondu à ses commentaires. Le gouvernement lui impose par la suite des restrictions d’accès au pays.

En 2005 et 2006, le Comité interroge la délégation du Botswana auprès des Nations-Unies à propos de la manière dont sont traités les Bushmen par le gouvernement.

En 2007, le successeur de Rodolfo Stavenhagen James Anaya, et le Rapporteur spécial des Nations-Unies sur le droit à l’alimentation Jean Ziegler, écrivent au gouvernement botswanais. Ils y constatent que la décision de la Haute Cour n’est toujours pas respectée, et que par conséquent les Bushmen ‘se heurtent à de nombreux obstacles quant à la jouissance effective de leurs droits sur leurs ressources et territoires ancestraux’.

En 2008, le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies exhorte le Botswana à s’assurer que ‘le droit de retourner dans la réserve du Kalahari central (CKGR) soit accordé à toutes les personnes qui en ont été expulsées’.

En 2009, le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies publie également ses conclusions sur le Botswana. La Finlande y exhorte le Botswana à ‘garantir le respect des droits des peuples autochtones vivant dans les régions convoitées par les compagnies diamantifères’ et le Danemark lui demande d‘assurer l’accès à la terre et d’assister les résidents de la réserve, conformément à la Déclaration des Nations-Unies sur les droits des peuples autochtones’.

En 2010, James Anaya condamne le refus du gouvernement à laisser les Bushmen puiser de l’eau sur leurs terres, précisant que par conséquent ces derniers ‘sont confrontés à des conditions de vie déplorables’. Il exhorte le gouvernement à ‘appliquer pleinement et fidèlement’ le verdict de 2006 de la Haute Cour et à faciliter ‘le retour de tous ceux qui ont été expulsés de la réserve, à les autoriser de pratiquer à la chasse et à la cueillette conformément à leurs pratiques traditionnelles et à leur fournir les mêmes services gouvernementaux que ceux dont jouissent les citoyens botswanais dans le reste du pays, y compris, et en premier lieu, l’accès à l’eau’.

Toujours en 2010, le Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination raciale écrit au gouvernement botswanais, précisant que : ‘En 2006, la Haute Cour a jugé que leur expulsion était illégale et inconstitutionnelle… Le Comité est préoccupé par la non-application de cette décision’.

En 2013, lors de l’examen périodique universel du Botswana, les Etats-Unis expriment leur ‘préoccupation concernant l’interprétation restreinte [du verdict] de la Haute Cour, qui empêche les centaines de [Buhsmen] de vivre et de chasser sur leurs terres ancestrales’, et le Royaume-Uni qualifie ‘d’urgence’ le processus de négociations entre le gouvernement botswanais et les Bushmen du Kalahari. Des recommandations concernant les actions entreprises par le gouvernement à l’égard des Bushmen sont également formulées par l’Irlande, la Norvège, l’Espagne, le Mexique, la Finlande et le Congo.

En 2014, le Rapporteur spécial de l’ONU dans le domaine des droits culturels, Farida Shaheed, visite la réserve et note que ‘le groupe affecté craint qu’une fois les aînés de la communauté disparus, plus personne n’aura le droit de vivre dans la réserve. De plus, le fait que les gens soient expulsés de la réserve pour la préservation de la faune est en contradiction avec la volonté du gouvernement de poursuivre des activités minières et de favoriser le tourisme’.

Farida Shaheed exige du gouvernement botswanais qu’il ‘clarifie la situation’. Le mois dernier, le ministre des Affaires étrangères du Botswana aurait déclaré au Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies que les conclusions du rapport de Mme Shaheed étaient ‘incompatibles avec la relocalisation [des Bushmen] et la décision sur l’affaire CKGR. Le gouvernement n’a pas relocalisé de force les Basarwa.’ Pourtant, cette décision avait clairement établi que l’expulsion des Bushmen avait été initiée ‘de manière illégale, injuste et sans leur consentement’.

En 2015, le porte-parole bushman Jumanda Gakelebone fait part de ses préoccupations au sujet de l’interdiction de la chasse au Botswana lors d’une réunion de l’instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. La Haute Cour botswanaise avait jugé qu’empêcher les Bushmen vivant dans la réserve de chasser dans la réserve ’revenait à les condamner à mort’.

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