"Arrêt total de la création de nouvelles Aires protégées" : les militants publient le Manifeste de Marseille pour l'avenir de la conservation de la nature
14 Octobre 2021
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Les participants au premier congrès mondial visant à décoloniser la conservation de la nature ont publié un manifeste demandant l’arrêt total de la création de nouvelles Aires protégées excluant les communautés autochtones et locales.
Le “Manifeste de Marseille : un manifeste populaire pour l’avenir de la conservation” a été publié aujourd’hui par de nombreux militants et experts autochtones et non autochtones qui se sont réunis le mois dernier à l’occasion du congrès novateur “Notre terre, notre nature”.
Ils formulent également les demandes suivantes :
- que les gouvernements « respectent, protègent et fassent respecter pleinement les droits territoriaux et forestiers des peuples autochtones, respectent l’utilisation collective et coutumière des terres et des forêts par les communautés locales, pour assurer la protection de ces terres conformément à leur volonté » comme principal moyen de protéger la biodiversité à travers le monde ;
- « Les gouvernements et les organisations de conservation doivent reconnaître le lourd préjudice que les aires de conservation strictement protégées ont causé aux terres, aux moyens de subsistance et aux droits de nombreuses communautés dans le monde entier ; ils doivent élaborer des plans concrets pour réparer les dommages causés par le passé, notamment en rendant le contrôle aux gardiens historiques et locaux de ces espaces » ;
- « Les pays à hauts revenus doivent fournir des ressources financières pour soutenir ces changements et cesser de financer des programmes de conservation qui détruisent les populations locales et leurs moyens de subsistance, notamment en ne respectant pas le CLIP[consentement libre, informé et préalable], que ce soit intentionnel ou non » ;
Le manifeste appelle à « un modèle de conservation qui lutte contre les véritables causes de la destruction de l’environnement et qui soit prêt à s’attaquer à ceux qui en sont les plus responsables : la surconsommation et l’exploitation des ressources menées par les pays du Nord et leurs entreprises ».
La demande d’un changement radical du modèle actuel de conservation s’est intensifiée ces derniers mois. Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement a publié en août une note d’orientation au ton ferme, affirmant que la réalisation des objectifs environnementaux « exige un changement radical par rapport à la “conservation habituelle” ». Il préconise une approche radicalement différente, fondée sur les droits.
De nombreuses organisations et institutions prétendent toutefois souscrire à ces appels tout en promouvant des projets agressifs de “conservation-forteresse”. La Commission européenne, par exemple, parle dans sa stratégie en faveur de la biodiversité de « renforcer les liens entre la protection de la biodiversité et les droits de l’homme […] ainsi que le rôle des peuple autochtones et des communautés » – mais continue de financer en Afrique des projets de conservation qui les excluent.
De même, 150 ONG ont récemment publié une lettre ouverte appelant les dirigeants mondiaux à placer les droits humains au centre de la politique environnementale. Ce groupe d’ONG comprenait cependant le WWF, dont la “guerre secrète” de financement de “forces paramilitaires vicieuses” a fait l’objet de multiples exposés dans les médias et d’enquêtes sur les violations de droits humains.
Fiore Longo, chargée de la campagne “Décoloniser la conservation de la nature” de Survival, a déclaré aujourd’hui : « La plupart des gouvernements et des ONG savent aujourd’hui produire de beaux discours sur le respect des droits autochtones. Mais ces mêmes personnes encouragent la création massive de nouvelles Aires protégées sur les terres autochtones dans le cadre du projet des 30×30, qui constitue le plus grand accaparement de terres de l’histoire mondiale.
« Nous pouvons constater la même volonté dans les appels à des Solutions fondées sur la Nature afin de lutter contre le changement climatique. Ces solutions ne sont en fait qu’une nouvelle version de ce que l’on appelait autrefois les compensations carbone. Elles offrent la possibilité d’acheter et de vendre des terres autochtones afin de permettre aux entreprises les plus polluantes du monde de continuer à polluer.
« Seule la pleine reconnaissance des droits territoriaux des peuples autochtones leur évitera de continuer à être les victimes sacrifiées de la “conservation-forteresse” et des Solutions fondées sur la Nature. C’est aussi une étape clé pour répondre aux crises de la biodiversité et du changement climatique. »